La galerie Miyu, installée depuis avril 2021 rue du Temple à Paris, expose le travail de Mathieu Dufois. L’artiste croise la pratique du dessin, de la maquette et du film dans un cycle de trois courts-métrages intitulé “La Trilogie des Vestiges”. Il invite à plonger dans un univers nostalgique, empreint d’une mémoire des catastrophes et peuplé de silhouettes fantomatiques. Dévoilant les différents éléments graphiques ayant permis à l’artiste de réaliser ces films, l’exposition donne aussi à voir l’envers du décor.
Vestiges en trois temps
Diplômé de l’école des l’École supérieure d’art et de design du Mans, Mathieu Dufois est un artiste à multiples facettes, maniant la pierre noire tout comme la réalisation cinématographique. Exposé jusqu’au 11 février à la galerie Miyu, l’artiste fait dialoguer les trois courts métrages de son cycle “La Trilogie des Vestiges” avec les dessins et les maquettes qui ont servi à les créer. “La conservation de l’éclat”, “Par les ondes” et “Sauf la lumière”, réalisés entre 2012 et 2017, sont tous les trois faits à partir de dessins et de décors en papier dessinés et filmés. Ils nous invitent à plonger dans un passé trouble, à l’esthétique rappelant celui des films noirs hollywoodiens. “Je crée des images composites” affirme Mathieu Dufois qui utilise des photographies d’archive de petits formats, de la Première Guerre mondiale entre autres. Il les dessine et s’inspire aussi de ses propres souvenirs vécus ou fantasmés. “Pour dessiner, je m’inspire de photographies de petits formats dont j’augmente la taille grâce un agrandisseur. Je crée ainsi de l’imprécision graphique. Le dessin invente alors ses propres formes, laissant place au hasard et révélant des éléments qui n’étaient pas nécessairement dans l’image de départ” précise l’artiste.
Films, dessins et maquettes en lumière
Passerelle entre les artistes du secteur de l’animation et les artistes contemporains, la galerie Miyu a ouvert en avril 2021. Fondée par la société de production de films d’animation Miyu, dirigée par Emmanuel-Alain Raynal et Pierre Baussaron, elle valorise le travail plastique de cinéastes d’animation mêlant sculpture, peinture, installation et vidéo. Dans la première pièce de l’espace, l’on découvre les silhouettes de papier de Mathieu Dufois. Ce sont des figurant·es de films noirs placés sur une table et dont l’accumulation et le positionnement créent des scènes troublantes, fabriquées de toutes pièces. Fixées à un fond noir dessiné accroché au mur, d’autres figurines en carton d’un même personnage se superposent aux trois quarts, telle une accumulation décomposant le mouvement d’une image animée. Accrochés aux murs, des dessins de paysages urbains en ruines, d’empreintes d’un ballon – vieilles de trente ans – sur un mur de la place des Vosge, ou encore des représentations de germes. “Le potentiel de mes maquettes se révèle en réalité à la prise de vue : je travaille la lumière de manière à ce qu’elle soit si tenue que la caméra ait du mal à capter les éléments. J’utilise aussi des flashs lumineux” affirme Mathieu Dufois. Ses lumières sculptent ses dessins. “J’essaye de montrer ce que la photographie, le film, peut apporter en plus au dessin, lorsqu’ils se combinent” ajoute-t-il.
Au temps des catastrophes
À travers son travail Mathieu Dufois s’intéresse au temps des catastrophes et souhaite redonner une présence à des figurant·es de seconde zone, inconnus ou fantômes. L’image mélancolique devient une forme de résistance face à l’implacabilité de la disparition. La pierre noire et la lumière de l’image photographique deviennent les contours et la matière de spectres humains et urbains. Grâce à la mise en espace de ses figurines, à l’usage de travellings et du montage, les corps s’animent. La composition sonore de ses films, réalisée par le musicien expérimental Marc Hurtado ajoute une profondeur à ces images dépourvues de dialogues et de mots. La dimension narrative ne relève pas d’une histoire à proprement parler, mais d’un faisceau d’éléments entrant en connexion et d’une ambiance inspirée des séries B. La lumière, travaillée en clair-obscur donne un effet théâtral et crée une unité temporelle qui semble pourtant insaisissable. Mathieu Dufois nous raconte ainsi des histoires qui se déploient, en réminiscence, dans l’esprit du spectateur, ou de la spectatrice.
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